Hôtellerie : pourquoi vendre son fonds de commerce devient un vrai casse-tête

Vendre un hôtel, surtout lorsqu’il s’agit d’un établissement indépendant, est loin d’être une promenade de santé, car entre les délais interminables, les acquéreurs frileux et les exigences bancaires corsées, force est de reconnaître que le marché des cessions dans l’hôtellerie peine à retrouver de la fluidité. Décryptage !
Des délais qui s’éternisent, un marché qui se tend
Michael Beltrami, propriétaire d’un charmant hôtel-restaurant 3 étoiles dans le Périgord vert, ne décolère pas. Son établissement, rénové avec goût et aux chiffres flatteurs, peine à trouver preneur depuis trois ans. Deux visites en autant d’années, et c’est tout. Le problème ? Un marché saturé de petites structures à vendre et une demande en berne. Les rares candidats cherchent l’impossible : rentabilité maximale, travail minimal, et des activités simplifiées à l’extrême. Ce constat est partagé dans toute la profession. Les délais de vente se sont allongés jusqu’à atteindre 24 à 36 mois en moyenne, selon Century 21. Un phénomène qui s’inscrit dans une tendance lourde, amorcée depuis plus de quinze ans. Le nombre de cessions diminue tandis que le prix moyen reste élevé, aux alentours de 510 000 euros, en hausse de 20 % entre 2022 et 2023.
Les petits établissements en ligne de mire
La fracture se creuse surtout en dessous de 40 chambres. Les hôtels de petite taille, souvent détenus par des exploitants, peinent à séduire. Trop contraignants, trop chronophages, pas assez rentables… les arguments ne manquent pas pour expliquer la désaffection. Les chaînes hôtelières et les investisseurs institutionnels se concentrent sur les établissements plus conséquents, laissant les petits hôteliers livrés à eux-mêmes. En milieu rural, la situation est encore plus critique. Les hôtels de village, dont la clientèle traditionnelle de VRP a fondu comme neige au soleil, doivent composer avec des exigences réglementaires de plus en plus lourdes, et une rentabilité qui se dégrade. De l’avis de Pic international, qui connaît bien ces problématiques de cession et qui connaît bien le secteur des CHR, l’équation devient insoluble sans un investissement conséquent, difficile à justifier pour un repreneur.
Un financement sous haute surveillance
La frilosité des banques complique davantage les choses, car un acquéreur doit désormais présenter un profil béton : expérience dans l’hôtellerie, apport significatif, dossier solide. L’établissement, lui, doit afficher un excédent brut d’exploitation (EBE) retraité rassurant. Sans cela, le financement est tout simplement hors de portée. Face à ces obstacles, certains vendeurs optent pour le crédit-vendeur, à l’image de Georges André Piat, qui a accepté de financer 30 % de la vente de son hôtel de Rouen. Une solution pragmatique pour boucler la transaction, à condition de ne pas avoir besoin de réinjecter cet argent ailleurs.
L’effet repoussoir de la restauration
Complexe à gérer, plus risquée et moins rentable, la partie restauration pèse aussi lourd dans la balance et freine ainsi bon nombre d’acquéreurs potentiels. Les hôtels-bureaux, eux, se vendent plus facilement, portés par une exploitation plus simple et des marges plus stables. Certains propriétaires n’hésitent plus à revoir leur modèle. C’est notamment le cas de Christophe Vif qui, en supprimant son activité traiteur, a réussi à relancer l’attractivité de son établissement.
Anticiper, ajuster, professionnaliser
Vous l’aurez compris à ce stade, vendre son fonds de commerce ne s’improvise pas. Les vendeurs doivent anticiper, nettoyer leurs bilans, s’assurer que toutes les normes sont respectées, et parfois revoir leur prix à la baisse. Le prix de vente réaliste tourne autour de 1 à 1,2 fois le chiffre d’affaires, rarement plus dans le contexte actuel. Confier la vente à une agence spécialisée, éviter les surévaluations affectives, et ne pas cacher son intention de vendre peuvent aussi jouer en faveur d’une cession plus rapide.