Interview Stéphane Layani par BFM Business

Interview Stéphane Layani par BFM Business

BFM Business : Et à 7 h 43, notre invité, c’est le PDG du Marché International de Rungis : Stéphane Layani. Bonjour !

Stéphane Layani : Bonjour.

BFMB : Alors, on commence par quoi ? On commence par le Val-d’Oise ? On commence par Abu Dhabi ? Ce sont vos deux grands projets de développement ?

Stéphane Layani : Comme vous voulez.

BFMB : Allez, on va commencer par le Val-d’Oise parce que vous allez créer, non pas un Rungis bis, mais une sorte d’écosystème des producteurs locaux, de l’agro alimentation raisonnée autour d’un bassin, d’une plateforme logistique. Racontez-nous le projet !

Stéphane Layani : D’abord, ce sont des propositions. C’est un projet de territoire, comme vous le dites. Avant tout, ce n’est pas un Rungis bis. On a essayé d’écrire un nouveau modèle de la fourche à la fourchette… Ce qu’on a souhaité faire c’est dynamiser un territoire, l’est du Val-d’Oise, qui a besoin d’activité économique….

BFMB : Avec une population qui croit…

Stéphane Layani : Une population qui va croître, les gens ne le savent pas, d’un million et demi dans les dix ans qui viennent. 1 million et demi de personnes, c’est 300 000 tonnes de produits en plus chaque année. Clairement pour ces raisons-là, nous, on a besoin pour continuer notre mission de service public, de développer. Tout le monde le sait : Rungis est saturé à 97%. Tous les jours je reçois des demandes pour s’installer à Rungis et tous les jours je suis obligé d’en refuser. L’idée est, non pas de créer un deuxième marché de Rungis là-bas, mais de créer un modèle où on produira les produits, on les préparera, on les transformera, on les distribuera, peut-être on les cuisinera, et on les commercialisera en circuits courts.

BFMB : Et il y aura aussi de la formation, un incubateur. Enfin, c’est tout un écosystème nouveau, moderne que vous créez finalement !

Stéphane Layani : Ce que j’ai noté à Rungis, c’est que ce qui marche, c’est quand les gens travaillent ensemble, c’est quand il y a des synergies, quand il y a du business entre professionnels et professionnels. Là-bas, autour de Gonesse, sur les quatre sites que nous avons choisis, on souhaite faire un véritable écosystème. Un véritable écosystème, c’est quoi ? Il faut de la formation, si vous avez une population jeune qui n’est pas formée aux métiers de bouche, aux métiers de l’agro-alimentaire, ce n’est pas possible. Il faut également des incubateurs, de la réflexion ; il y a beaucoup de foodtech et d’agrotech qui se développent aujourd’hui. On a un incubateur à Rungis, on en fera un très grand sur les foodtech autour de Gonesse. Et puis, il faut aussi de la solidarité alimentaire. On est dans des zones de précarité alimentaire. Donc quand il y a une grosse zone d’activité, on peut donner !

BFMB : C’est combien d’emplois, votre projet à terme sur cette zone ?

Stéphane Layani : On a évalué, c’est une évaluation, 4000 à 5000 emplois supplémentaires !

BFMB : C’est énorme ! Et du coup, c’est quoi les prochaines étapes ? C’est des étapes réglementaires ? Il faut que vous trouviez les partenaires ? C’est quoi le prochain pas ?

Stéphane Layani : On est insérés dans un plan qui s’appelle le plan Val-d’Oise qui a été annoncé par Jean Castex, le premier ministre. C’est à cette occasion qu’il m’a demandé de réfléchir à ce que pourraient être de nouvelles méthodes d’alimentation et d’approvisionnement des franciliens à l’échéance 2030-2035. C’est le rapport que je lui ai remis, six mois après, jour pour jour, le 7 février. Bien sûr, je l’ai remis au service du premier ministre. Le ministère, le premier ministre, les services du premier ministre vont en discuter, vont prendre leur décision. Une fois que leurs décisions auront été rendues, on aura, on a un calendrier. J’ai proposé un phasage : dès 2022, moi, je souhaite avoir des actions de préfigurations. Pour vous en donner une, je voudrais qu’il y ait de la sensibilisation au « Bien Manger » avec des foodtrucks qui aillent voir dans les écoles, dans les collèges, les jeunes, avec des chefs dans les foodtrucks pour leur expliquer ce qu’est le bien-manger. Et puis ensuite, on va essayer de commencer la concertation avec les agriculteurs en particulier qui resteront dans le sud du Triangle de Gonesse qui est sanctuarisé pour eux. Et ensuite, on commencera à construire, à partir de 2025, sur les différents sites : Bonneuil-en-France, Goussainville, qui est un acteur fondamental, et Roissy-en-France et Gonesse.

BFMB : Est-ce que ça ne va pas donner un coup de vieux au Rungis actuel, à son système ? Est-ce qu’il va falloir aussi, du coup, après le transformer ?

Stéphane Layani : D’abord, Rungis se transforme de jour en jour ! Depuis dix ans, je mets en place Rungis 2025. On a investi à peu près 1 milliard d’euros sur Rungis. Il a un véritable coup de jeune ! Les gens qui viennent tous les jours : « On ne reconnaît plus notre Rungis » et ça marche puisqu’on a de la croissance ! Deuxièmement, Rungis sera le monopole du marché physique. Il n’y aura pas de deuxième marché physique en Ile-de-France. Ce que vous voyez en photo derrière moi sans doute, c’est le marché physique et le marché physique restera à Rungis.

BFMB : Alors, deuxième projet que vous avez lancé la semaine dernière, enfin ça fait longtemps que vous y travaillez, mais là ça y est : la SEMMARIS, le groupe gestionnaire de Rungis est rentré en négociation avec donc l’un des plus grands conglomérats de la région du Moyen-Orient pour y faire une sorte de Rungis entre Abu Dhabi et Dubaï, c’est ça ?

Stéphane Layani : C’est ça ! C’est d’ailleurs un aspect peu connu de l’activité de la SEMMARIS qui est l’autorité gestionnaire du marché de Rungis. Nous avons une activité de conseil à l’international qui est très demandée parce que nous sommes le premier opérateur agro-logistique du monde. Rungis est le premier marché du monde. On est aussi le premier opérateur et c’est ça que nos clients étrangers viennent chercher. Rungis Abu Dhabi, c’est quoi ? Il se trouve que depuis plusieurs années, depuis trois ans, nous discutons avec des partenaires, l’autorité du Port d’Abu Dhabi et une autre société qui s’appelle GAG, eh bien, ces deux sociétés veulent faire un hub agrologistique…

BFMB : C’est toute la région hein !

Stéphane Layani : Sur le port d’Abu Dhabi pour toute la région, c’est-à-dire, ça va à Abu Dhabi, Dubaï, Bahreïn, Oman, le Koweït, le Qatar, c’est quand-même quelque chose d’assez intéressant. Et en faisant cet hub, ils espèrent deux choses, eux aussi ils ont des problèmes de souveraineté alimentaire :

  • développer leur alimentation locale qui est très très faible, ils importent beaucoup, mais qui est très très faible 
  • et ensuite ils espèrent être un hub entre le marché de Shanghai, qui a été aussi construit par Rungis et Rungis !

BFMB : Bah formidable ! Merci Stéphane Layani, Président Directeur du Marché international de Rungis ! On va faire une matinale là-bas bientôt !

Stéphane Layani : Je vous invite à manger la tête de veau avec moi !

BFMB : (Rires) Et tiens, on ira lundi !