Agroalimentaire : recréer la confiance avec le consommateur est essentiel
Dans un secteur où les attentes des consommateurs évoluent sans cesse, producteurs et transformateurs doivent jongler entre exigences de qualité, préoccupations sanitaires et nouvelles tendances parfois surmédiatisées. Entre ceux qui sont prêts à payer plus pour des produits locaux et responsables, et des phénomènes de mode souvent marginaux, il devient parfois difficile de s’y retrouver. Justement, les 4e Assises de l’agriculture et de l’alimentation ont été l’occasion de clarifier ces enjeux et de rappeler une chose essentielle : la confiance entre consommateurs et acteurs de l’agroalimentaire est plus importante que jamais. Décryptage !
Les consommateurs au cœur du jeu, entre exigences et contradictions
Dans l’évolution des modèles agricoles, les citoyens sont plus que jamais les arbitres. Ils dictent les grandes orientations par leurs attentes, mais surtout par leurs choix d’achat. Pourtant, dégager des tendances claires n’est pas une mince affaire. Prenez les mouvements vegans, surreprésentés dans les médias, alors que la consommation de viande reste stable. Lors des 4e Assises de l’agriculture et de l’alimentation à Rennes, des points clés ont émergé : les Français veulent plus de circuits courts, de transparence, et une meilleure rémunération pour les agriculteurs. Mais en pratique ? Les actes d’achat ne suivent pas toujours les discours.
Thierry Cotillard, président d’Intermarché, l’a bien résumé : « Il y a 8 millions de Français pour qui le prix reste le critère numéro un. » Un constat qui illustre bien les contradictions des consommateurs. Comme le souligne Gilles Bocabeille de Soréal, « 98 % des produits vendus restent traditionnels, malgré les tendances médiatiques ». Et puis, il y a ces dilemmes bien connus : on veut un jambon sans nitrites, mais qui garde sa belle couleur rose et une longue conservation, ou on veut moins de plastique, mais sans accepter des DLC plus courtes. Bref, les consommateurs veulent tout et son contraire, rendant l’adaptation des modèles alimentaires encore plus complexe.
« Nous sommes des médiateurs de confiance »
A la tête du plus grand marché de produits frais du monde, Stéphane Layani est on ne peut plus clair au sujet de la confiance avec les consommateurs : « Les marchés de gros notamment avec leur offre bio sont de vrais médiateurs de confiance, comme le commerce de proximité qui se développe de nouveau dans les centres-villes ». Récemment réélu à la tête du marché de Rungis pour un nouveau mandat de 4 ans, M. Layani est parfaitement conscient des défis et enjeux liés à la confiance du consommateur, surtout après 18 mois de crise Covid-19. Mais il a une recette qui fait mouche : « L’unité, l’agilité, l’engagement et la solidarité ont été les valeurs maîtresses du collectif rungissois qui, jour après jour, s’est réinventé, pour et avec ses collaborateurs, ses opérateurs, ses producteurs, ses acheteurs, ses transporteurs et ses logisticiens mais aussi, tout simplement, pour les Français ».
Rungis, le gardien de la sécurité alimentaire : fraîcheur, traçabilité et excellence logistique
Pour Stéphane Layani, la sécurité alimentaire ne se limite pas à remplir les assiettes. Il s’agit avant tout de garantir des produits sains, en quantité et en qualité, dans un monde où les crises sanitaires menacent de plus en plus nos systèmes alimentaires. Rungis, avec son immense plateforme logistique, joue un rôle clé dans cette bataille. En maîtrisant la chaîne du froid de la production à la distribution, le marché assure une traçabilité totale, de la ferme jusqu’au point de vente, un atout inestimable pour renforcer la confiance du consommateur.
Aujourd’hui, les consommateurs veulent savoir d’où viennent les aliments qu’ils achètent, comment ils ont été traités et s’ils respectent des normes sanitaires strictes. Rungis répond à ces attentes en offrant une transparence totale, une capacité à retracer chaque produit et à intervenir rapidement en cas de problème. La logistique du froid, trop souvent sous-estimée, est un élément central dans la préservation de la qualité des fruits, légumes, viandes et poissons. A 40 degrés, le risque de perdre des denrées est 25 fois plus élevé qu’à zéro, un chiffre qui montre à quel point la maîtrise de la température est essentielle, surtout dans un contexte mondial où le réchauffement climatique complique encore la donne.
Les consommateurs prennent la main, les agriculteurs s’adaptent
Dans un contexte où la confiance entre le monde agroalimentaire et les consommateurs doit être renforcée, les agriculteurs n’ont d’autre choix que de s’adapter aux nouvelles attentes. Bio, circuits courts, bien-être animal… autant de tendances qui façonnent aujourd’hui la relation entre producteurs et acheteurs. Les plateformes comme « Manger bio », créées par des groupes d’agriculteurs pour connecter l’offre locale aux collectivités, en sont un parfait exemple. « Notre chiffre d’affaires double tous les trois ans », affirme Vincent Rozé, président de l’initiative. Un chiffre qui illustre à quel point les consommateurs recherchent une alimentation plus responsable et de proximité.
Parallèlement, le bien-être animal est devenu un enjeu de taille, et les filières collaborent avec des associations comme le CIWF pour répondre à cette demande sociétale. « Contrairement aux associations abolitionnistes, nous aidons les entreprises et éleveurs à réassurer les consommateurs », explique Amélie Legrand du CIWF. En adaptant progressivement leurs infrastructures et leurs pratiques, les agriculteurs prouvent qu’ils sont prêts à répondre aux nouvelles exigences, même si cela demande du temps. Mais cette transition est essentielle pour restaurer la confiance des consommateurs et pérenniser la relation entre l’assiette et le champ.
Recréer la confiance : impliquer les consommateurs, pas les contrer
Dans un secteur où la méfiance envers les marques et les experts est en pleine croissance, restaurer la confiance passe par la remise du consommateur au centre de la chaîne alimentaire. C’est précisément l’ambition du collectif Ferme France, qui veut impliquer les consommateurs dans l’évaluation des produits qu’ils achètent. « Les consommateurs ont plus confiance en leurs pairs qu’en les marques », explique Maximilien Rouer, représentant du collectif. Leur projet phare ? Une étiquette avec une note sociétale unique, qui prend en compte la qualité du produit, mais aussi son impact environnemental et son origine. Une façon de simplifier l’information et d’apaiser le climat de défiance qui entoure aujourd’hui l’agroalimentaire.
L’idée est simple : recréer le lien entre producteurs et consommateurs, en les rapprochant, notamment à travers des visites d’exploitations agricoles et d’entreprises. « La distance alimente l’agribashing », confirme Maximilien Rouer, et cette initiative vise à combler ce fossé. Pour Edwige Kerboriou, vice-présidente de la chambre d’agriculture des Côtes d’Armor, « la grande majorité des agriculteurs répond déjà aux attentes sociétales, il faut juste le montrer en ouvrant plus souvent nos portes ». Travailler avec le consommateur, plutôt que contre lui, voilà la clé pour restaurer une confiance qui s’est érodée au fil du temps !
Transparence et santé, les clés pour recréer la confiance
Entre scandales sanitaires, pollution, et étiquetage trompeur, l’industrie agroalimentaire est de plus en plus sous les feux des critiques. Résultat ? La confiance des consommateurs est en chute libre. Soucieux de leur santé, les Français sont devenus plus exigeants : ils veulent savoir ce qu’ils mangent et comprendre l’impact des produits sur leur bien-être et sur la planète. Dans ce contexte, des applications comme Yuka, qui permettent de décoder la composition des aliments d’un simple scan, rencontrent un franc succès. Ce besoin de transparence pousse de nombreux acteurs du secteur à revoir leurs pratiques, en privilégiant des approches plus respectueuses de la santé et de l’environnement.
L’alimentation joue un rôle essentiel dans la prévention des maladies, comme le montre un récent baromètre de l’INCA, où 92 % des Français estiment que la nourriture peut influencer l’apparition d’un cancer. Pourtant, seulement 55,9 % se sentent bien informés sur les risques liés à l’alimentation, révélant un fossé entre les attentes et la réalité. En parallèle, les préoccupations environnementales et sociales gagnent du terrain. Manger local et mieux rémunérer les producteurs devient une priorité, comme en témoigne le succès des AMAP, qui permettent d’obtenir des produits de qualité tout en soutenant une agriculture équitable. L’enjeu pour le secteur agroalimentaire est donc clair : transparence et respect des attentes des consommateurs seront indispensables pour regagner leur confiance.
Nutri-Score, un levier pour restaurer la confiance des consommateurs ?
Fini les slogans du type « moins cher » ou « promo » qui faisaient fureur il y a quelques années. Aujourd’hui, les marques doivent prouver leur engagement : « emballage 100 % recyclable », « sans huile de palme », « filière qualité »… Les consommateurs, toujours plus méfiants, veulent des actes concrets et une transparence totale sur ce qu’ils achètent. On ne le répétera jamais assez : pour recréer ce lien de confiance indispensable, les acteurs du secteur n’ont d’autre choix que de s’adapter.
L’un des outils les plus puissants dans cette démarche est le Nutri-Score, un système français qui a rapidement gagné du terrain en Europe. Ce logo, qui classe les produits alimentaires selon leur qualité nutritionnelle sur une échelle de A (vert) à E (orange), permet aux consommateurs de faire des choix éclairés en un coup d’œil. Avec son comité scientifique dédié, le Nutri-Score évolue en permanence pour coller aux recommandations nutritionnelles et garantir son efficacité. Pour les industriels, il ne s’agit plus seulement de vendre, mais de démontrer un véritable engagement en faveur de la santé des consommateurs et de la planète. En clair, la transparence est devenue l’arme ultime pour recréer cette confiance, et c’est un virage que l’agroalimentaire ne peut plus se permettre de rater.