Quel impact du coronavirus sur la gastronomie mondiale ?

La pandémie de coronavirus a largement affecté l’industrie gastronomique dans le monde. Les conditions de confinement ont asséché les revenus d’une industrie déjà en difficulté, entraînant une quantité démesurée de pertes d’emplois et de bouleversements financiers. Mais l’épidémie de Covid-19 a aussi donné à la communauté gastronomique le temps de réflexion nécessaire pour identifier le malaise sous-jacent et tracer la voie à suivre. Le Prix culinaire mondial basque (BCWP) a voulu encourager cette réflexion en organisant un webinaire intitulé « comment la gastronomie relève-t-elle le défi du coronavirus ? »

Gastronomie : l’état des lieux

« Le secteur de la restauration était de toute façon sous assistance respiratoire », explique Anthony Myint, chef et restaurateur basé à San Francisco. Selon lui, la pandémie a révélé à quel point l’industrie de la restauration est difficile et à quel point les chefs d’entreprises du secteur sont vulnérables en raison du système alimentaire fondamentalement défaillant. « Il n’y a pas de coussin, pas de filet de sécurité, pas d’économies pour les entreprises dans le système actuel », a-t-il fait remarquer. Mais dans ces circonstances, les restaurateurs ont eu le temps de réfléchir, un luxe que le rythme effréné de l’industrie permet à peine de s’offrir. La seule façon d’avancer est de retravailler le système alimentaire à partir de la base, en se concentrant sur la localisation et la durabilité pour créer un système alimentaire plus résistant.

Personne n’a ressenti cet effondrement plus durement que les restaurateurs adeptes du « zéro déchet ». Ces chefs avant-gardistes sont préindustriels, dans le sens où leurs principaux fournisseurs sont les agriculteurs, et non les industriels. Mais en raison du confinement, c’est toute la chaîne de valeur alimentaire qui a été démantelée, ce qui a mis en évidence la nécessité de changer les choses si l’on vent évoluer vers une restauration responsable. En fait, le confinement a mis en lumière la dépendance totale de l’industrie de la restauration au système industriel de production alimentaire.

Covid-19 : place à la gastronomie « sociale »

La crise actuelle a rendu les personnes en marge de la société particulièrement vulnérables. Nombreux sont ceux qui, dans l’industrie gastronomique, ont décidé d’assumer leur rôle le plus fondamental : nourrir les affamés. Le chef brésilien David Hertz, à travers son initiative Gastromotiva (gastronomie sociale), s’est efforcé de transformer les cuisines de son pays en cuisines de solidarité pour nourrir les affamés et aider les églises et les couvents à distribuer de la nourriture à ceux qui en ont besoin.

Le chef Elijah Amoo Addo fait de même au Ghana avec son projet « Food for All Africa », la première banque alimentaire d’Afrique de l’Ouest. « Covid-19 n’est pas le plus gros problème pour eux, c’est la faim ». Environ 40 % de la main-d’œuvre au Ghana est employée dans l’industrie hôtelière, dont la majorité a été laissée sans emploi lorsque le virus s’est propagé. Les chefs cuisiniers du monde entier assument leur devoir de nourrir les gens grâce à de telles initiatives de gastronomie sociale.

Une gastronomie décentralisée

Le temps libre actuel est également utilisé par ces chefs pour diffuser des connaissances sur la cuisine et unifier la communauté gastronomique. Les chefs vont en ligne pour partager des recettes et des techniques afin d’encourager les familles à cuisiner à la maison. Les gens ont eu le temps de cuisiner et trouvent ainsi du plaisir à le faire, et le secteur prend des mesures pour l’encourager.

L’avenir de la gastronomie

Tous les intervenants du webinaire du BCWP se sont accordés sur la nécessité de maintenir la conscience environnementale et la durabilité comme objectifs majeurs pour l’industrie dans son ensemble. Anthony Myint souligne que les gens doivent embrasser l’agriculture régénérative et s’efforcer de devenir neutres en carbone, même si de tels objectifs peuvent être perdus en cas d’urgence. Eneko Atxa, chef du restaurant trois étoiles Michelin Azurmendi à Bilbao, poursuit son travail sur une protéine du sol qui crée des émissions négatives : « dans les moments de changement (comme Covid-19), nous devons aussi changer », a-t-il déclaré.